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  • Photo du rédacteurCélia Couleaud

Sujet de réflexion : la notion d'écran

Voici le second écrit que j'ai réalisé pour le cours "Culture visuelle et dispositif de vision" dispensé par M. Mauro Carbone. Ce cours est initialement destiné aux étudiants du Master 2 Philosophie Esthétiques et cultures visuelles.


Sujet de réflexion :

Ce texte vise à questionner la notion d'écran et de "disparition des écrans" à travers les pensées de différents écrivains et chercheurs.


En 1937, Walter Benjamin a écrit dans son texte l’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée : « Que l’on compare l’écran sur lequel se déroule le film à la toile sur laquelle se trouve le tableau : l'image sur la première se transforme, mais non l'image sur la seconde. Cette dernière invite le spectateur à la contemplation. Devant elle, il peut s’abandonner à ses associations. Il ne le peut devant une prise de vue. À peine son œil l’a-t-elle saisi que déjà elle s’est métamorphosée. Elle ne saurait être fixée. ». Des dizaines d’années plus tard, en 2001, Lev Manovich à théorisé la généalogie de l’écran dans son texte les nouveaux médias. Il identifie un passage de l’écran « classique » à l’écran « dynamique ». En première partie de ce devoir, je vais analyser et comparer les propos des deux chercheurs, en m’intéressant particulièrement à l’évolution de cela, et à la place du spectateur dans chacune des réflexions.

Je discuterai ensuite plus particulièrement de la prévision faite par Lev Manovich selon laquelle, avec le développement de certaines technologies comme la réalité virtuelle, l’écran disparaît entièrement.



Pour Walter Benjamin, l’écran décrit comme « classique » par Lev Manovich – c’est-à-dire un support immobile exposant une image immobile – s’oppose à l’écran que Manovich décrit comme « dynamique » - c’est-à-dire un support exposant une image en mouvement. Benjamin, met l’accent sur le spectateur de ces différentes images. Pour lui, les personnes, qu’elles visionnent une image fixe sur un tableau ou des images animées dans un film, par exemple, sont toutes qualifiées comme « spectateurs ». Cependant, ce ne sont pas les mêmes types de spectateurs pour les deux types de contenus, car l’expérience du spectateur n’est pas la même. L’image fixe permet de laisser au spectateur le temps de la contempler, et donc la possibilité d’aller plus loin que la simple vue de l’image. Il peut la regarder, émettre des avis, sur certains éléments de l’image, des théories… Tandis que la prise de vue pour un film est, elle, une association très rapide d’un grand nombre d’images, le plus souvent jusqu’à 25 images en une seconde. Chaque image étant différentes de la précédente, Benjamin déplore l’impossibilité pour l’humain de prendre le temps de contempler l’image. La prise de vue ne permettrait alors pas l’analyse de l’image, et donc une lecture en profondeur. Manovich a une vision beaucoup plus actuelle de la situation. Dans son texte Le langage des nouveaux médias, publié en 2001, il met en lumière une forme de visionnage d’images vidéo que Benjamin ne connaissait pas encore : la télévision. Contrairement à son confrère, Manovich présente la prise de vue comme une nouvelle façon de voir le monde, et surtout de l’analyser. La télévision serait alors le moyen de visionner du contenu « dynamique » tout en incluant la possibilité de discuter du contenu en même temps.


Dans sa réflexion, Walter Benjamin relève un autre facteur qui modifie l’expérience utilisateur : la reproduction. Une œuvre pouvant être reproduite se détache de l’environnement dans lequel elle est diffusée initialement. Le spectateur peut la regarder à n’importe quel moment, et partout où il se trouve. Cela est encore plus vrai aujourd’hui avec les smartphones et ordinateurs portables, même si l’auteur n’en avait pas la connaissance en 1937 lors de la publication de son texte l’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée. Pour lui, cette reproduction altère l’œuvre car elle perd de son aura. Cette perte d’aura, alimentée notamment par les films, mènerait alors à « la liquidation de la valeur traditionnelle de l’héritage culturel ». En disant cela, il souhaite exclure les films de ce qu’il appelle la culture. Il voit cela comme un grand bouleversement social au sens négatif.


Malgré ces pensées, Benjamin considère quand même le film comme un art. Seulement, celui-ci serait différent car basé sur la reproductibilité. Son objectif serait alors d’être perfectible et non plus éternel. Ainsi, la consommation faite par le spectateur n’est plus tant culturelle, mais plutôt esthétique. Cela revient à ce qu’il énonçait plus tôt dans son texte : le film est fait simplement pour être regardé, tandis que les autres oeuvres, statiques, permettent une association d’éléments culturels analysables.

Pour Manovich en revanche, l’écran « dynamique » permet une interactivité bien plus importante que l’écran « classique ». Il met l’accent sur Internet et la visualisation de multiples contenus simultanés, qui était en plein développement à son époque.


Au-delà de ces écrans « classiques » et « dynamiques », Lev Manovich prévoit aussi une disparition complète des écrans dans certaines situations. Il expose le fait que la réalité virtuelle permet de supprimer l’écran pour placer le spectateur directement à l’intérieur de l’œuvre audiovisuelle.


Je pense personnellement que le développement de certaines technologies n’amène pas vers la disparition totale des écrans, mais plutôt vers la modification, et plus précisément l’extension, de la définition d’écran. Les deux premières définitions de l’écran faites par Lev Manovich présentent toutes les deux un écran comme une interface diffusant ou exposant du contenu, mais dont on peut distinguer ce contenu de son environnement d’exposition. Par exemple, lorsque l’on regarde la télévision, nous restons conscients que nous sommes chez nous, nous voyons au-delà de l’écran de la télévision, la décoration de notre environnement de vie, etc. Alors que la réalité virtuelle est pour lui les prémices d’une nouvelle façon de consommer du contenu, sans écran qui diffuse mais qui fait dans un même temps barrière entre le contenu et le spectateur.


Comme je l’écris plus haut, je ne serais peut-être pas si radicale que cela dans la disparition des écrans. Je pense que la réalité virtuelle serait une nouvelle forme d’écran, que l’on pourrait définir comme « immersif » et qui viendrait compléter la définition d’un écran donnée par Manovich avec l’écran « classique », l’écran « dynamique » et l’écran « en temps réel ».


Je qualifie cela d’écran car le dispositif technologique de l’écran reste bien présent. Il est diffusé directement à chacun de nos deux yeux, en trois dimensions, mais le casque virtuel reste un écran indispensable. Quant à la particularité occultante d’un écran, je pense que la réalité virtuelle n’est possible que car elle dispose d’un écran encore plus occultant que tous ceux que nous connaissions jusqu’alors. Nous pensons être transportés dans le contenu que nous regardons et avec lequel nous interagissons seulement car le casque est un écran qui nous cache complètement l’environnement dans lequel nous nous trouvons physiquement.



En conclusion, je pense que chaque texte et chaque recherche sur les écrans est marquée dans son temps, et que la définition d’un écran et donc de l’expérience faite par le spectateur sont en constante évolution.


Célia Couleaud

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