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Photo du rédacteurCélia Couleaud

Sujet de réflexion : natif et migrants numériques

Voici mon premier écrit réalisé pour le cours "Culture visuelle et dispositif de vision" dispensé par M. Mauro Carbone. Ce cours est initialement destiné aux Master 2 Philosophie Esthétiques et cultures visuelles.


Sujet de réflexion :

Être des natifs numériques entouré de migrants numériques lors des confinements dus à la pandémie : ce que cela m’a fait découvrir sur les rapports respectifs avec ce que nous appelons réalité.


Ce 12 mars 2020, quelques heures avant qu’Emmanuel Macron, président de la France s’adresse à ses citoyens pour leur annoncer un confinement, j’étais avec mes amis. Comme souvent nous nous étions retrouvés dans le café près de notre université pour décompresser, discuter, déguster les bonnes pâtisseries qui nous étaient servies. J’appelais alors ma réalité ce que je vivais physiquement : voir mes amis, aller à la fac, mon quotidien…


Mais en réfléchissant à ce devoir, je me suis vraiment questionnée sur ce qu’était la réalité pour moi. A cela je me suis retrouvée face à un problème : je ne trouve plus vraiment de réponse aussi simple.


Un an et demi me sépare de mon premier paragraphe, et mon idée de la réalité n’est plus aussi catégorique. Je suis restée des mois entiers pour lesquels la réalité – d’après la stricte définition que je m’en donnais – était en grande partie restreinte aux contacts avec ma famille et à mon lieu de vie : ma maison chez mes parents. Et pourtant je sais que ma réalité, que ce que j’ai vécu durant cette période était bien plus riche que ça.

La question ne s’est pas posée mais j’ai accueilli à bras ouverts certaines nouvelles habitudes comme entrant dans mon quotidien, ma réalité. Ce fut le cas des cours en ligne, des appels entre amis…


On entend souvent parler de « frontière » entre le virtuel et le réel. Cette idée-là, ce sont mes parents qui me l’ont appris. Pourtant, ayant grandi avec ces technologies, j’ai vite compris que ce que mes digital immigrants (Digital Natives Digital Immigrants, Marc Prenski, 2001) de parents appellent « le virtuel », ce n’est qu’une partie du réel. C’est en tout cas la vision que j’en ai. Cette idée je l’ai depuis longtemps, mais il a fallu attendre le confinement pour que je le réalise vraiment. Au lycée déjà, j’avais pris l’habitude de converser avec d’autres personnes sur un blog qui avait pour but de réunir des fans de l’univers de Harry Potter. Ils étaient des correspondants anonymes, mais je les voyais comme bien plus que cela. Ils étaient pour moi une bande d’amis à qui je pouvais tout dire. La séparation entre mes amis et ces internautes était pourtant bien établie : je ne verrai surement jamais ces derniers. Il en était ainsi et cela m’allait très bien. Pour ce qui était de mes amis que je connaissais physiquement, on parlait sur internet, certes, mais nos conversations renvoyaient à nos rencontres physiques.


C’est au cours des confinements successifs que je suis revenue sur ces idées. Je ne voyais plus mes amis, nous ne partagions plus de liens physiques, et nous conversions la plupart du temps sur nos différents réseaux sociaux, sur internet. C’était comme si mes amis rejoignaient les autres internautes, l’anonymat en moins. Pourtant, ces conversations, ces cours en ligne, ces spectacles que je regardais en live sur YouTube… je savais bien qu’ils faisaient partie de ma réalité. La vision que j’avais de ma réalité s’est en fait étendue de ce que je voyais et vivais physiquement autour de moi à ce que je vivais aussi au travers de mon téléphone ou de mon ordinateur. Physiquement, ce n’étaient que de petits écrans, mais j’ai réalisé que ce qu’ils me montraient faisaient aussi parti de ma réalité, dans la mesure où je les vis quand même, j’en fais l’expérience. Il n’est même plus nécessaire que l’événement se déroule physiquement quelque part dans le monde pour que je le considère comme faisant partie du réel ; il suffit que j’en fasse l’expérience.


Pour mes parents, il semblerait que la réalité est toute autre car leur rapport aux objets technologiques est toute autre. Comme l’expose Marc Prenski dans son article Digital Natives Digital Immigrants écrit en 2001, ils font, eux, preuve d’un effort d’apprentissage qui semble naturel aux digital natives. Ainsi, lorsque le confinement est arrivé et que la majorité de nos activités se faisaient à travers notre téléphone ou notre ordinateur, j’ai remarqué qu’il était plus difficile à supporter pour mes parents que pour mon frère et moi. Mes parents s’ennuyaient plus, et ils étaient même plus tentés de ne pas respecter les règles de confinement que nous. La raison ? Pour eux, qui ont vécu une partie de leur vie sans toutes ces technologies, ces dernières ne restent justement que des technologies. Elles ne sont que des outils. J’ai remarqué que les activités que font les digital immigrants avec leurs écrans, ont pour principal but de les aider ensuite autour d’eux, dans le monde physique. Pourtant, le confinement à modifié certaines de leurs habitudes, et avec cela peut-être même une partie de leur vision des choses. Cette nouvelle expérience est passée par les rapports humains. C’est ce qui a le plus rapidement manqué en confinement. Si les digital natives avaient déjà l’habitude de discuter par messageries, ce fut une nouveauté pour une majorité de digital immigrants. Je pense que c’est cette arrivée d’une nouvelle « clientèle », qui a en partie changé nos façons de converser à distance. Les appels en visioconférence ont explosé. C’était surtout le moyen de calquer au mieux l’expérience physique d’une conversation.


Avec ces nouvelles pratiques, j’ai le ressentis que les digital immigrants sont moins méfiants envers les « nouvelles technologies ». Lorsqu’ils voyaient leurs enfants utiliser ces outils, ils y voyaient une cause de fermeture sur le monde. Mais maintenant qu’ils en ont fait l’expérience forcée, ils y voient au contraire un moyen de s’ouvrir, à son entourage à distance, mais également au monde entier.


Après ce constat, l’outil numérique a été l’objet de toutes les expérimentations. Il avait alors montré au grand jour son potentiel. Des concerts en ligne ont eu lieu, les plus grandes sociétés de production audiovisuelle, telles que Disney, expérimentent la diffusion unique sur leur plateforme (sans passer par le cinéma), le nombre de comptes créés sur les différents réseaux sociaux a considérablement augmenté…


Et maintenant que la plupart des pays se déconfinent, que les habitudes pourraient redevenir les mêmes qu’avant, les recherches s’approfondissent. Je pense que le fossé entre les natifs numériques et les migrants numériques s’est quelques peu estompé grâce aux confinements. Les visions de la réalité resteront différentes, mais moins éloignée et moins opposées. L’entreprise Facebook en profite par exemple pour se lancer dans un tout nouveau marché : celui du métaverse. Allant au-delà d’internet, au-delà de la réalité virtuelle que l’on connait aujourd’hui, le métaverse est la création d’un cyberespace qui permettrait de plonger les interactions sociales à distance dans une représentation à l’identique de notre univers physique. Je pense que cette réflexion que je fais aujourd’hui sur mon rapport avec ce que j’appelle réalité, et les liens avec le rapport qu’en ont mes parents n’a pas fini d’évoluer. Peut-être même que j’aurai le comportement d’une digital immigrant devant l’arrivée de ce métaverse.


Célia Couleaud

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